Projet liaison RD30/RD190 : l'arrêté préfectoral a été publié le 03 juillet 2023; les associations s'y opposent.

Comme d'habitude, la préfecture a publié son arrêté autorisant le projet le 03 juillet 2023, à la veille des vacances.

Cela n'a pas empêché les associations de déposer, dans les temps, (avant le 03 septembre) un recours gracieux contestant cet arrêté. Nous en donnons ci-après les contenus. 

Par Courrier Recommandé avec AR

Objet : Recours gracieux

Monsieur le Préfet,

Par un arrêté 78-2023-07-03-00012 du 3 juillet 2023, vous avez autorisé la réalisation et l’exploitation d’une liaison routière entre la RD30 et la RD190, sur les communes d’Achères, de Chanteloup-les-Vignes, de Poissy et de Triel-sur-Seine.

FAITS ET PROCÉDURE

Depuis 2003, le Conseil Départemental des Yvelines ambitionne de créer une nouvelle liaison routière franchissant la Seine entre Achères et Carrières-sous-Poissy.

Après avoir obtenu la déclaration d’intérêt public de son projet en 2012, le pétitionnaire aura mis près de 10 ans pour présenter un dossier d’autorisation environnementale nécessaire à la création et à l’exploitation de l’infrastructure.

Vos services ayant instruit la demande du Département, vous avez pris un arrêté d’ouverture d’enquête publique le 07/11/2022 et celle-ci s’est déroulée du 05/12/2022 au 20/01/2023.

Lors de cette enquête publique, de nombreux citoyens ont évoqué des difficultés à appréhender le projet.

Si de prime abord on peut penser que cette situation est due à la complexité technique du dossier, celle-ci est en réalité la conséquence de dysfonctionnements graves du site publilégal.

En effet, nos associations ont remarqué que durant plusieurs jours seules quelques annexes du dossier étaient consultables, la grande majorité des pièces ayant disparu du site de l’enquête publique.

Cette situation a été constatée par procès-verbal de Me Lovato Huissier de justice (inclus en annexe).

Au vu de ce dysfonctionnement, on comprend mieux pourquoi nombre de participants à l’enquête ont fait part de difficultés de compréhension du dossier. Privés du résumé non technique et des volets thématiques, les citoyens ne pouvaient pleinement prendre part à cette consultation.

Dès lors, il est établi que l’absence de tous les volets du dossier d’enquête publique, tel que détaillé par constat d’huissier, est de nature à avoir nuit à la bonne information du public.

 

Concernant le contenu du dossier de l’enquête publique (lorsqu’il était disponible dans sa totalité), nous regrettons ses incohérences souvent dues à l’obsolescence de certaines parties de l’étude d’impact non mises à jour. C’est particulièrement le cas des études de trafic de 2009 basées sur des données de 2006.

Comment un citoyen pourrait-il appréhender objectivement les impacts d’un projet de cette ampleur sur la base d’études vieilles de 14 ans ?

Nos associations pensent que cela n’est pas possible et que les études obsolètes présentées lors de l’enquête publique ont empêché le public d’apprécier les impacts de cette liaison routière.

 

Au surplus, nous notons que le rapport du Commissaire-enquêteur est lacunaire, en ce qu’il a omis de prendre en compte des contributions.

Concernant l’opportunité du projet, nous constatons que cette infrastructure s’inscrit en opposition totale des objectifs fixés par le gouvernement en matière de qualité de l’air.

En avril 2015, la Commission européenne a rendu à ce sujet un avis motivé, invitant la France à respecter la législation de l’Union Européenne. Cet avis concernait le manquement au respect des valeurs limites de pollution de l’atmosphère par les particules de taille inférieure à 10 μm (PM10) et les oxydes d’azote 20 (Nox).

Au niveau national et par une décision du 12 juillet 2017, le Conseil d’État enjoignait le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018.

Plus récemment encore, par un arrêt du 24 octobre 2019, la France était condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant, et plus spécifiquement pour « dépassement de manière systématique et persistant » des valeurs limites de concentration pour le dioxyde d’azote (NO2).

C’est ainsi qu’en décembre 2019 était adoptée par le Parlement La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), visant à « Accélérer la transition énergétique, la diminution des émissions de gaz à effet de serre et la lutte contre la pollution et la congestion routière, en favorisant le rééquilibrage modal au profit des déplacements opérés par les modes individuels, collectifs et de transport de marchandises les moins polluants, tels que le mode ferroviaire, le mode fluvial, les transports en commun ou les modes actifs, en intensifiant l’utilisation partagée des modes de transport individuel et en facilitant les déplacements multimodaux.

Il convient de préciser que les communes de la plaine de Chanteloup se trouvent dans le périmètre de la zone dite "sensible pour la qualité de l’air", c’est-à-dire la zone dans laquelle au moins une personne ou un espace naturel protégé est potentiellement impacté(e) par un dépassement des valeurs limites de NO2 (dioxyde d’azote) ou de PM10.

Un arrêté inter-préfectoral n° IDF-2018-01-31-007 relatif à l’approbation et à la mise en oeuvre du Plan de Protection de l’Atmosphère pour l’Île-de-France liste les communes concernées : Carrières-sous-Poissy et Triel-sur-Seine y sont inscrites.

Par ailleurs, de nombreux avis de la MRAE ont déjà alerté de la mauvaise qualité de l’air avec dépassement des valeurs réglementaires sur l’ensemble du territoire de Seine-Aval.

Or, au regard de l’étude de trafic réalisée par EGIS MOBILITÉ, pour le compte du Conseil départemental, la création de ce nouvel axe entraînera la saturation du réseau routier de la boucle de Chanteloup et en particulier au niveau du pont de Poissy. Il en découlera nécessairement une aggravation de la qualité de l’air sur tout le secteur, déjà peu épargné par les rejets atmosphériques.

 

Par ailleurs, nous constatons que le commissaire-enquêteur semble avoir été induit en erreur par le dossier du pétitionnaire. En effet, et à titre d’exemple, le rapport d’enquête publique fait état d’un projet bénéfique en termes de réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre, alors que les chiffres indiqués à la page 123 du volet F attestent du contraire.

Ainsi, sans le projet les émissions de GES seront à l’horizon de 2032 de 90,9 tonnes par jour, contre 104 tonnes avec le projet.

Ce projet émettra donc plus de GES par rapport à une situation sans le projet, ce qui est contraire aux engagements de la France en matière de lutte contre le dérèglement climatique et l’ambition de réduire de 50% les émissions de GES à l’horizon 2030, ainsi qu’à la demande de la MRAE de se conformer à l’article L.100-4 du code de l’énergie. 

Votre arrêté valant également dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées, nous sommes surpris que des espèces pourtant parfaitement identifiées sur le site du projet et bénéficiant d’un statut de protection réglementaire, ne soient pas pris en compte dans votre décision.

C’est tout particulièrement le cas de l’oedicnème criard et du hibou moyen-duc. Le premier étant nicheur probable et le second nicheur certain.

Dès lors, les prescriptions de votre arrêté semblent insuffisantes, puisqu’elles ne prennent pas en compte ces deux espèces particulièrement menacées.

Nous constatons par ailleurs que la trame verte du Schéma Régional de Cohérence Écologique sera gravement impactée par ce projet qui viendra accroître sans commune mesure le fractionnement des espaces naturels de cette boucle de Seine.

 

Pour l’ensemble de ces raisons, nos associations vous demandent le retrait de l’arrêté 78-2023-07-03-00012 du 3 juillet 2023, par lequel vous avez autorisé la réalisation et l’exploitation d’une liaison routière entre la RD30 et la RD190, sur les communes d’Achères, de Chanteloup-les-Vignes, de Poissy et de Triel-sur-Seine.

 

Nous vous prions de croire, Monsieur le préfet, à l’assurance de notre haute considération.

Denis MILLET : Non au Pont d’Achères

Christiane PARAVY : C.O.P.R.A 184

Anthony EFFROY : Rives de Seine Nature Environnement

Françoise MEZZADRI : Triel Environnement

Bernard DESTOMBES : ADIV Environnement

Elisabeth DOUSSET : Construisons Ensemble un Andrésy Solidaire (CEAS)